Le conseil d’installation des nouveaux élus a eu lieu ce 3 décembre. Selon une formule un peu désuète, nous avons prêté serment et juré obéissance à la Constitution et aux lois du peuple belge… Il y a cependant une loi wallonne qui pose question…
Depuis de nombreuses décennies, c’est la clé Impériali qui prévaut pour la désignation des conseillers communaux. Cette méthode maintient une certaine inégalité entre les électeurs en surreprésentant les plus grandes listes. Nous allons vous le montrer au travers de l’exemple d’Ouffet, avec deux listes. (0)
Ouffet et Impériali
Aux élections communales de 2018, l’Entente Communale (EC) a obtenu 66,86 % (à peu près deux tiers des voix), tandis qu’Agir Ensemble (AE) en récoltait 33,14 % (à peu près un tiers des voix). Comme la commune compte 11 élus, si on applique une règle proportionnelle, cela donne 7,35 siège pour EC contre 3,65 pour AE.
Pour les parties entières, c’est simple : 7 sièges pour EC et 3 pour AE. Assez naturellement, le dernier siège à pourvoir, suivant la méthode du plus fort reste, serait attribué à AE sachant qu’il a un reste de 0,65 contre 0,35 pour EC. Ce serait donc 7 sièges pour EC et 4 pour AE. Le petit tableau ci-dessous reprend la méthode Impériali (1) qui a servi à désigner les élus. On divise les suffrages exprimés obtenus par chaque liste (1269 pour EC et 629 pour AE) par 2, 3, 4, 5… Les sièges sont attribués aux listes qui obtiennent les plus forts quotients.
Le tableau vous montre également que s’il n’y avait que 3 conseillers, ils seraient tous issus de la liste majoritaire. S’il n’y en avait que 6, alors 5 seraient issus de la liste majoritaire. S’il n’y en avait que 9, alors 7 seraient issus de la liste majoritaire. Il s’agit bel et bien d’une méthode particulièrement inégalitaire.
Ouffet, d’Hondt et Sainte-Largüe
La clé d’Hondt (2) est celle qui est utilisée pour les législatives régionale, fédérale et communautaire belges. La méthode est proche de la méthode Impériali si ce n’est que le premier diviseur envisagé est 1 et non 2.
Vous direz que pour les élections communales d’Ouffet, le résultat est le même… Pas tout à fait. S’il n’y avait que trois élus ou six élus ou 9 élus, la proportion serait 2/3-1/3 des suffrages, serait respectée. La méthode avantage aussi les grands listes mais de façon moins flagrante que la méthode Impériali.
La clé Sainte-Largüe (3) est proche des deux autres mais les diviseurs envisagés sont successivement 1,3, 5, 7 …
Le résultat est dans ce cas, bien différent. Puisqu’il y a 7 et 4 conseillers comme pour la méthode du plus fort reste. Pour certains, la formule Sainte-Largüe est la plus objectivement neutre, pour d’autres, elle avantage les petites listes.
Le CPAS
Le problème est que l’inégalité de désignation des conseillers communaux entraîne en cascade une inégalité plus frappante encore pour la désignation des conseillers CPAS. Il y en a 9 à Ouffet. Si on calculait à partir du nombre de sièges en respectant la règle proportionnelle des suffrages, ce serait 6 pour EC et 3 pour AE.
Mais on calcule le nombre de sièges au CPAS par rapport au nombre de sièges de conseillers communaux. On obtient donc 6,55 pour EC et 2,45 pour AE. 6 sièges pour EC, 2 sièges pour AE et, par la méthode du reste le plus fort, le 9e siège à EC.
Avec la répartition que donnerait la clé Sainte-Largüe, et un rapport de conseillers communaux de 7 à 4, on aurait 5,73 pour EC et 3,27 pour AE. 5 sièges pour EC, 3 sièges pour AE et, par la méthode du reste le plus fort, le 9e siège à EC.
A qui profite le crime ?
On l’a écrit… Aux groupes les mieux représentés. Ecolo en 2015, Ecolo et DéFI en 2017, ont réclamé au Parlement Wallon, le remplacement du système Impériali par la clé d’Hondt. Ce n’est toujours pas adopté et comme on a pu vous le montrer, cela reste insuffisant dans une configuration à deux listes.
(0) Dans un autre article intitulé « Majorité de sièges, minorité de voix », nous montrerons dans une situation de trois listes comment on peut se retrouver en majorité absolue au conseil tout en n’ayant pas 50 % des suffrages.
(1) Pierre Guillaume Charles Giovanni Gaspard Melchior Balthazar, marquis Imperiali des Princes de Francavilla, dit Pierre Imperiali (1874-1940). Propriétaire foncier et membre du parti catholique, il a été conseiller communal, échevin puis bourgmestre de Tinlot, député puis sénateur.
(2) Victor d’Hondt (1841-1901) est un juriste belge, professeur de droit civil et fiscal à l’université de Gand. Également mathématicien, il a conçu, en 1878, la méthode de désignation de candidats qui porte son nom et qui a été adoptée dans de nombreux pays.
(3) Jean-André Sainte-Largüe (1882-1950) est un mathématicien français pionnier de la théorie des graphes. Il est aussi connu pour ses méthodes de répartition de sièges électoraux.
